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Une photo, une histoire...

Derrière certaines photos se cache une histoire : humaine, technique, historique... Cette rubrique proposera, une fois par mois, d'aller au-delà de l'image. Clin d'oeil à Anthony Bourasseau, voyageur et photographe, avec qui nous avions parlé de ce type de rubrique et qui en propose une sur son site.

12. Old Delhi, octobre 2014

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C'est un exercice que je pratique très rarement. Le flou de mouvement, à l'inverse de celui de profondeur de champ (une zone nette et un flou d'arrière-plan et/ou d'avant-plan), que j'affectionne. Ce début de soirée d'automne, à Old Delhi, la vieille ville, j'avais embarqué sur un rickshaw à pédales, avec un conducteur expérimenté, qui m'a fait découvrir en profondeur ce grand bazar, marché grouillant que j'avais déjà visité un peu au printemps 2008. Typique, populaire, où bat le coeur de la capitale indienne. Près du fort rouge. Ruelles bondées, échoppes d'épices, de vêtements de soie, de robes de mariées, de nourriture et autres desserts ou objets de décoration...

Une rue si indienne

Une fois mes photos faites, j'ai décidé de changer un peu, de chercher autre chose, traduire une ambiance. La rue était si indienne que je me disais qu'on pouvait l'évoquer plus que la décrire. En extraire juste l'ambiance.

Alors, la lumière déclinant, j'ai fermé le diaphragme pour obliger l'appareil à s'ouvrir plus longtemps, afin qu'il ait assez de lumière pour bien exposer la scène, avec la luminosité adéquate. Je suis arrivé à presque une seconde de prise de vue, pendant laquelle le capteur enregistre tout ce qui se passe devant lui. Et j'ai profité du mouvement de mon rickshaw, tournant vers la gauche, pour qu'il peigne avec la lumière. A son insu bien sûr.

Merci au chauffeur !

Il y a toujours pas mal de déchets sur ce genre de tentative. Mais on arrive souvent à un résultat probant. Ce cliché fleure bon l'Inde, sa vie de rue trépidante. On voit la chemise rose du conducteur passant au premier plan, un autre rickshaw sur la gauche, des clientes en sari, des couleurs prisées localement. Une ambiance...

Bref, une réussite je trouve, qui tapisse aujourd'hui un mur de mon salon et qui a plu à quelques connaisseurs. Et merci au chauffeur !

11. Landerneau, juillet 2013 et octobre 2017

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La photo de rue, cela peut aussi se passer dans un bâtiment. L'essentiel est de souligner comment l'humain (ou un animal) occupe un environnement urbain. Et d'avoir l'oeil pour le saisir dans une position ou une situation, dans la photo, qui fait sens ou qui augmente son intérêt graphique.

Et parfois, deux paires d'yeux valent mieux qu'une. Ainsi, au fonds Edouard et Hélène Leclerc de Landerneau, dans le Finistère, qui accueille depuis le début des années 2010 des expositions exceptionnelles, deux clichés m'ont marqué.

Ne pas être miro

La première fois, j'étais avec deux amies, Elodie et Gwendoline. A l'entrée de l'exposition Miro, il ne fallait pas l'être, pour remarquer le gardien entrer dans le cadre dans un mimétisme parfait avec la photo du peintre. Gwendoline, à ma droite, l'a vu arriver la première et m'a fait signe au moment où je le découvrais. Sa tenue vestimentaire, l'implantation de ses cheveux, ses mains croisées... Il était Miro !!! Je lui ai offert plus tard un tirage qui l'a ravi.

Opportune marinière

Quelques années plus tard, j'étais avec ma compagne Elisabeth. Connaissant mes goûts et pratiques photographiques, son oeil s'aiguisant à son tour, elle m'a attrapé par le bras et suggéré de me retourner, me montrant cette jeune fille observant un tableau de Picasso. Incroyable correspondance de sa marinière avec celle du personnage ! Et sa position étrange (cubiste ?) a dynamisé singulièrement la scène.

Les deux fois, il m'a fallu réagir très vite pour déclencher au bon moment, si bref. Cet instant décisif cher à Henri Cartier-Bresson. Merci à mes accompagnatrices de ces jours-là de m'avoir fait gagner des précieux dixièmes de seconde !

10. Camagüey, Cuba, mai 2014

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C'est une photo emblématique de ce que je souhaite faire de plus en plus. De la photo de rue qui saisit la fraction de seconde (ce qu'Henri Cartier-Bresson, l'oeil du XXe siècle, qualifiait d'instant décisif) où tout s'agence dans la position des gens, leur attitude, en un décor préalablement choisi ou à la sauvette. Si les gens savaient quel rôle ils jouent... Des couleurs vives (mais le noir et blanc peut parfois mieux s'y prêter). Un ou des cadres dans le cadre... Utiliser la lumière, jouer de ses ombres pour renforcer le contraste de l'image. Un véritable exercice d'équilibriste ou la patience et la chance viennent épauler le sens de l'observation. Si en plus cela raconte une histoire...

Camagüey Road

J'étais ce jour-là à Camagüey, dans l'est de Cuba, en balade en petit groupe. Je venais de faire une photo de ce genre à un comptoir extérieur. Nous sommes passés devant un des quelques bars Beatles que compte l'île (j'en ai vu un aussi à Trinidad). Une incongruité dans ce pays communiste où Fidel Castro les a interdits dans les années 60 et où se sont produits les Rolling Stones en 2016.

Je n'ai eu à faire que quelques clichés, devant cette affiche, pochette mythique de l'album Abbey Road. Une moto, une piétonne se sont croisées. Pour une fois, j'ai utilisé le mode rafale de mon appareil, un Fuji X100S, efficace et discret compact, notamment dans cet exercice de la street photo (pardonnez cet anglicisme, mais on parle des Beatles, là !).

Jaune comme un sous-marin

Graphisme, couleur (ce mur, jaune comme le sous-marin...), contraste, petite histoire, moment décisif : jusqu'au détail du reflet dans le rétroviseur de la moto et cette femme apparue dans le cadre de la porte. Je ne l'avais pas vue arriver, tout concentré sur le reste de la scène. La chance, on vous dit...

9. Longji, Chine, juin 2008

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Après deux semaines et demie dans les trépidantes Hong-Kong, Macao et Canton, j'ai eu envie de découvrir la Chine rurale, près de Guilin. La rivière Li entourée de pains de sucres, tel un dragon dans les brumes, Yangshuo, village très touristique et Longji, un peu plus au nord. Où le tourisme, on le sentait, commençait tout juste à arriver, à l'approche des JO de Pékin. Un seul hôtel où l'on parlait anglais (une jeune femme qui avait vécu à Shanghai). D'autres en construction, des hommes et des femmes se levant à l'aube et revenant aux aurores, après une journée dans les rizières. Ces collines, ces terrasses, ces reflets...

Cheveux longs, photos courtes

Et puis ces femmes en tenue traditionnelle, gilet fuschia et leurs cheveux coupés juste trois fois étant petites. Qu'elles déroulent contre quelques yuans ("long hair, long hair, photo, photo !") avant de les ranger une fois les clichés pris. Voulant me rendre, à pied, dans un village encore totalement épargné par ce folklore intéressé, j'ai suivi une de ces femme. Plusieurs fois, arrivant devant un beau paysage, et me sachant français, elle m'a lancé un "c'est beau, c'est beau !", pour que je prenne une photo. En bon touriste. Elle a ramassé des plantes pour les cuisiner. "Hum... C'est bon, c'est bon !"

Scène aussi graphique qu'exotique

Arrivant à Zhongu, on croise trois femmes qui, me voyant, me lancent : "money, money, money !" Soit, là, on triple les mots (au lieu de les doubler à dans le village précédent), soit on écoute Abba ! On voit aussi trois petits chiens jouer. Je souris. "Hum, c'est bon, c'est bon !", lance mon accompagnatrice, éclatant de rire, se doutant de mon peu de goût pour pareil ragoût.

Arrivés chez elle, son vieux papa se chauffe devant le poêle, son chien dormant sous le regard de Mao. Elle prépare à manger, dans une scène aussi graphique qu'exotique. Je refuse poliment de déjeuner là, voyant la viande cuite depuis au moins la veille. Un peu honteux aussi. Prétextant devoir repartir après voir consommé un coca presque en terrasse. Un moment mémorable dans cette Chine traditionnelle et si fraîche encore même en pleine évolution.

8. Cuzco, Pérou, octobre 2007

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J'y étais passé trop vite, en groupe, trois ans avant. Quelques heures. Je voulais y rester une petite semaine, lors de ce tour du monde de neuf mois, tant la ville m'avait plu. Cuzco, "nombril du monde" en quechua, la langue des Incas, était la capitale de cet empire.

Le charme fou de cette ville

Aujourd'hui point de départ de la plupart des excursions vers le Machu Picchu ("le vieux pic"), elle est surtout une grande ville dont le centre historique dit tout, ou presque, de l'histoire du pays. Les bases de murs incas sans ciment, avec ces grosses pierres taillées de façon si précise, qui s'imbriquent et résistent aux séismes. Ces hauts de murs chaulés, agrémentés de balcons de bois et de fer forgé, surmontés de toits de tuiles, qui rappellent que la conquête espagnole est venue prendre le dessus sur cette fascinante civilisation... Ces rues pavées. La puissante forteresse de Sacsayhuaman, au-dessus de la cité... Le tout à 3400 m d'altitude. Et, souvent présent, le dieu soleil. Un charme prenant.

Tout manuel

Et puis son peuple. Je me suis promené un matin, tôt, en quête du quotidien des Cuzquéniens. Lumière vive et pure, visages andins, ponchos et bonnets de bon aloi... Et puis ces écoliers, uniforme et sac sur le dos. J'en ai vu passer place des Armes et au coin d'une rue. J'ai alors guetté derrière un mur, réglant mon appareil en manuel : vitesse, ouverture, sensibilité, mise au point, et même réglage du flash intégré. Tâtons en quête du bon équilibre. Ma première photo, je crois, en 100% manuel. Et déclencher vite quand le sujet est placé au bon endroit. Petite acrobatie pour qui sait.
Ce garçon a surgi, me regardant. Parfait. Je me dis aujourd'hui que je lui ai infligé un petit coup de flash dans les yeux. Je ne le fais plus. Il m'a souri ensuite, je crois. Continuant son chemin vers l'école... Paisiblement. Quelle place y prend l'apprentissage de ses glorieux ancêtres ?

7. Dublin, Irlande, avril 2013

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Se donner un thème et de s'y tenir. On voit alors le monde à travers un prisme particulier. On remarque des détails que d'autres ne verraient pas (classique chez un photographe !), et même sans doute soi-même.


Traquant le vert

Ainsi, à Dublin, ai-je choisi de traquer le vert, quelques heures durant. Couleur des prairies du pays, du trèfle, des maillots des équipes nationales et une des trois de son drapeau. Il arrive qu'un gros coup de chance se produise. Enfin, quand le thème est pertinent et qu'on est concentré, cela s'appelle aussi provoquer la chance.
Je revois encore cette jeune femme marcher devant moi. Sa teinture ne pouvait mieux tomber mais elle a tourné au coin de la rue, juste avant que je la rattrape. Elle est entrée dans une boutique. "Oserais-je attendre qu'elle en sorte ?" De l'autre côté du trottoir, la façade verte d'un office du tourisme me faisait irrésistiblement de l'oeil.

Le souvenir d'une James Bond girl

J'ai alors pensé au regret que j'ai eu, quatre ans plus tôt, à Prague, de n'avoir osé déranger une jeune Tchèque, dans un bar, prenant un café à deux mètres d'une baie vitrée. Belle, slave, parfaitement éclairée d'une douce lumière froide, dans un décor. Une James Bond girl venue de l'est. Qu'aurais-je risqué à lui proposer un cliché ? Au pire, un refus.
Cette fois, pas question. La jeune Dublinoise n'a pas tardé. Je l'ai accostée. Elle a volontiers accepté et j'ai remarquer son pull vert dépassant de son manteau marine, qu'elle a bien voulu ôter.
Deux ou trois photos, que je lui ai ensuite transmises. Et puis voilà. Le lendemain matin, repassant par là, j'ai vu des peintres recouvrir la façade d'un noir de geai. Un peu de chance, oui, quand même. Grâce au trèfle, sans doute...

6. Trinidad, Cuba, août 2019

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Une des photos d'Elisabeth, une de ces lumières étranges...

Comme beaucoup de villes d'Amérique latine, Trinidad, sur la côte sud de Cuba, charrie à la fois le charme indéniable de l'architecture coloniale et, à qui veut bien se renseigner, le souvenir émouvant d'un passé lié à l'esclavage. Ici, c'est la canne à sucre qui  a nourri ce malheur.

Un charme fou

De nos jours, reste le régal du centre-ville et d'une certaine langueur. Rues pavés, murs pastel, toits tuilés, palmiers tropicaux, charme fou... Un siècle d'oubli, à l'époque de la Révolution industrielle, a permis de conserver quasi intact ce joyau. J'ai eu la chance d'y aller trois fois en cinq ans, avec un plaisir constant.
La troisième, c'était en août 2019, mois le plus chaud et le plus humide de l'année. Mais les orages étaient souvent secs cet été-là et, Plaza Mayor, avec Elisabeth qui découvrait le lieu, nous avons traqué les éclairs. Ne réussissant à immortaliser que ceux qui prolongeaient le plaisir pendant une petite seconde, faute de matériel sophistiqué.

Lumière étrange et éphémère

De noir, le ciel passait subrepticement au cobalt ou au violet, dans des lumières aussi étranges qu'éphémères, atmosphère électrique et nous-mêmes électrisés par l'exercice. Plus rien ne compte au monde dans ces cas-là que le moment présent et la concentration. C'est la première fois, sans doute, que je vis intensément un moment photo, plaisir souvent solitaire, à deux.

5. Cuenca, Equateur, septembre 2007

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J'étais encore dans les premières semaines de mon tour du monde. L'Equateur, magnifique pays de la Cordillère des Andes. Sa vallée des volcans, ses villes coloniales aussi. Au sud, Cuenca, où l'on fabrique le véritable chapeau Panama (eh oui !), en est une, vivante, typique, fière et provinciale.
Je voyageais quelques jours durant avec un Hollandais et trois Tchèques. Nous sommes montés sur le toit en terrasse de l'hôtel, parler de tout et de rien, de nos pays, de nos vies. Mon anglais déficient m'en faisait manquer des bribes et limitait quelque peu mon expression. Les jeunes Tchèques, que je recroiserai qui à Prague deux ans après, qui à New York quatre ans plus tard, me referont remarquer mes progrès en la matière.

Ruines incas et note latino

Je me rappelle aussi ce morne dimanche matin sur une route embrumée vers les ruines incas d'Ingapirca, les seules qui vaillent dans ce pays. Bus endormi, et nous cinq s'éveillant après une seule note de Bongo Bong, pulsée par la radio : "Manu Chao !", avons-nous collectivement lancé. Une seule note... En Amérique latine, des Européens de trois nationalités différentes. Impressionnant succès !

Le hasard sur le toit

Bref, Cuenca. Une lumière déclinante, une dominante orange comme apportée par un vent modéré, séchant draps et serviettes. Un cliché en pose un peu lente pour laisser le linge onduler comme le lit de nuages semblant les refléter, au milieu de ces pierres ayant figé l'histoire, toits de tuile, murs et clochers blancs. Une harmonie de couleurs chaudes.
Cette atmosphère de paisible vie quotidienne, ce décor vu par son envers, rien que pour nous. Un moment simple et doux, hasard sur le toit, sans demander, je crois, l'autorisation. Clandestino.

4. New Delhi, Inde, novembre 2016

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Elisabeth et moi adorons (entre autres !) la cuisine indienne. Notre voyage d'automne dans le nord du pays nous a ravis également de ce point de vue. Mais une imprudence, une seule (un diable de glaçon plongé par un serveur dans un apéro, dans un endroit qui paraissait sanitairement sûr) nous aura bien travaillés.

Un chicken maharaja goûtu

Alors nous avons fini par varier les plaisirs, limité les plats épicés pour nous réfugier, à l'occasion, sur des spécialités italiennes ou deux ou trois fast-foods. Au passage, le chicken maharaja s'est avéré goûtu !
Tandis que notre séjour tirait à sa fin, après une balade matinale à New Delhi, nous sommes entrés dans un de ces lieux pour déjeuner, à Connaught Place, appelée les Champs-Elysées de l'Inde.

Avant que les rires s'évaporent

Pas de pose pour le regard : au moment de nous asseoir, une scène a surgi devant nous, qu'il a fallu saisir de toute urgence avant que les rires s'évaporent : prendre l'appareil photo, à peine le régler et clac !
Dans ce lieu symbole de la mondialisation, ce sont les deux garçons enturbannés, barbus, dans le traditionnel style sikh, qui semblent les plus à l'aise, tandis que deux de leurs compatriotes, occidentalisés, paraissent s'ennuyer. Un des raccourcis de l'Inde d'aujourd'hui...

3. Hong-Kong, Chine, mai 2008

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J'ai ressenti ce jour-là un étrange mélange de plaisir et de malaise... Ce 2 mai 2008, la flamme olympique entre en Chine par Hong-Kong, rétrocédée un peu plus d'une décennie plut tôt par les Anglais. Son parcours a été parfois chahuté, en France par exemple, ce qui a vexé les Chinois. Alors quand débute là, symboliquement, le premier événement sportif planétaire du pays, ce peuple, même celui en partie occidentalisé de Hong-Kong, répond naturellement à l'appel des autorités. Il descend dans la rue, sur le parcours de la flamme. Tout de rouge vêtu... Et celles et ceux qui ne peuvent quitter leur bureau arborent les mêmes couleurs nationales et communistes, comme je le verrai le soir à la télévision.

Un rafraîchissant débordement d'enthousiasme

Les artères bondées de la ville suintent la fierté, la joie, l'enthousiasme, une forme de patriotisme ou de nationalisme aussi. Je ne saurais dire. On vient en famille, on attend longuement le moment tant désiré.

En face de moi, au bout de Nathan Road, vaste avenue qui débouche sur le port, se trouvent quelques militants des Droits de l'Homme. Ils arborent des slogans vantant la liberté, la démocratie, la défense des Tibétains. Impensable sur le continent mais toléré sur ce territoire au statut spécial pour un demi-siècle. Un pays, deux systèmes... Quelques semaines plus tôt, le régime chinois a maté la rébellion tibétaine et fermé l'accès à ce territoire annexé depuis les années 50.

La rumeur bruisse un peu plus loin. Elle précède ce champion chinois entouré de gardes du corps, qui file, torche en main, vers une forme de gloire renouvelée, comme sacralisée. Les façades lisses des gratte-ciels de Nathan Road renvoient la clameur. Bref instant qui précède une assez prompte dislocation.

Des manifestants des Droits de l'Homme discrètement matraqués

De l'autre côté de la rue, je vois subrepticement les militants de la liberté prendre des coups de matraque, une fois les caméras parties. J'apprendrai ensuite que certains seront détenus quelques heures ou quelques jours, traités de malades mentaux. L'emprise chinoise sur Hong-Kong a déjà bien commencé.

Je suis alors partagé entre le sentiment agréable, comme en Australie quelques semaines plus tôt, d'avoir vécu un moment historique d'un peuple, à ses côtés, de l'avoir vu simplement heureux et fier, plein de foi en l'avenir. Et celui, plus amer, de voir pour la première fois, de mes propres yeux, ce qu'est une dictature, même en un territoire où elle se fait moins rude...

2. Melbourne, Australie, février 2008

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Il rappelle le poing levé par Tommie Smith et John Carlos, sur le podium du 200 m aux JO de Mexico, en 1968, qui protestaient contre le sort des Noirs aux Etats-Unis.

Ce 13 février 2008, le nouveau Premier ministre australien, Kevin Rudd, devant le parlement à Canberra, a présenté les excuses de l'Australie envers une partie de son peuple, les aborigènes. En particulier pour la génération volée, ces enfants enlevés à leurs parents durant la première moitié du XXe s. Son prédécesseur n'avait présenté que des regrets.

Un grand moment de l'histoire du pays

J'étais à Melbourne ce jour-là. Le discours était retransmis sur un grand écran à Federation Square, place pleine pour l'occasion. Le seul endroit en Australie où la foule, composée de blancs, d'asiatiques et bien sûr d'aborigènes, munis de leurs drapeaux, a tourné le dos à l'écran lors du discours de l'ancienne majorité. Ce poing était-il celui du combat ou de la victoire ? Tout s'est terminé, en tout cas, par un moment de communion d'une rare intensité.

J'avais, pour ma part, la sensation agréable d'avoir vécu un grand moment de l'histoire de l'Australie.

1. Jodhpur, Inde, avril 2008

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Il est rare de se dire, au moment précis de déclencher, qu'on tient une bonne photo et de ressentir, dans le même temps, un vrai instant de partage, voire de complicité. Ce cliché pris à Jodhpur, au Rajasthan, nord-ouest de l'Inde, est aussi ma photo la plus connue : repérée sur internet puis publiée par le magazine Compétence Photo, affiche du festival de photo de voyages Chercheurs d'Images à Grand-Champ (Morbihan) en octobre 2019, parue à ce titre sur une demi-page dans le magazine Chasseurs d'Images, primée (avec d'autres photos) dans deux concours. Elle fait aussi partie, bien sûr, de mon livre paru chez Géorama sur le Rajasthan. Où je raconte son histoire.

Quand les sourires éclairent le tableau

Cette matinée (printanière mais déjà chaude) de baguenaude dans les rues de la ville bleue a constitué un plaisir constant. Ce sont des enfants qui m'ont demandé de les immortaliser, plusieurs fois, m'entraînant dans cette ruelle où m'attendait un tableau : une composition, des couleurs, une présence, un exotisme, aucun misérabilisme. La dame de gauche était hors cadre, sur son propre palier. Après deux ou trois déclenchements, ses voisines l'ont invitée à se joindre à elles. Je sentais qu'il manquait quelque chose. Quand j'ai porté une nouvelle fois le viseur à l'oeil, elles se sont mises à rire : quelle occasion ont-elles de se sentir ainsi mises en valeur ? Clic-clac !

Retrouvailles six ans et demi plus tard

Quand je suis retourné à Jodphur six ans et demi plus tard, je n'ai pas pu refaire la même photo, posée cette fois : les enfants étaient omniprésents. Les habitantes étaient moins bien vêtues, le mur était déshabillé du bleu caractéristique de la ville. Quelque chose avait vécu.
Mais le sourire de ces femmes quand je leur ai remis chacune un tirage, leurs remerciements, le mot que j'ai fait traduire une hindie pour qu'elles comprennent que je les vois chaque jour dans mon salon, restent un moment fort, de partage encore.
Cher David,
Nous sommes éblouis par ce que tu fais.
Photos et commentaires.
Tu mérites des compliments.
Bonne continuation.
Bises
Cher DAVID, nous regardons ce blog régulièrement.
Cà nous touche et nous fais du bien.
Nous pensons à toi.
Papa et maman

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